Habile maquisarde,
la faim tenace a pris d’assaut
mon estomac et mes boyaux.
Elle m’assaille, me tenaille,
me tiraille, me travaille,
et ne me laisse pas en paix.

A coups de crampe et de fringale,
elle m’a investi l’intestin,
me contraignant à resserrer
mon ceinturon d’un cran.
Usant de l’arme de la soif,
elle a desséché mon gosier.
Plus une goutte de salive
n’irrigue ma glotte en feu.

Ma langue rêche lèche en vain
mes lèvres déshydratées:
rien ne lui sert de faire du plat
à mes papilles inutiles.
La bise joue à perd et passe
entre les trous de mon tricot
impudique et nauseéabond,
indigne d’un épouvantail!

Un fumet de rôti tentant
a mis ma narine en arrêt.
Il vient de la villa cossue
que j’aperçois en contrebas.

Une grappe dodue, dorée
plus belle qu’une tentation,
me nargue par-dessus le mur.
Je salive à nouveau, ravi.

Un écriteau surgit: «Privé!»
Une voix rugit: «Bill attaque!»
Je prends la poudre d’escampette,
emportant ma fringale avec.
La pierre au frais dans l’eau
ne peut imaginer
la douleur éprouvée
par la pierre oubliée au soleil de midi.
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Das Gedicht ist dem Poesieband: Une aube neuve pour Haïti entnommen. Wiedergabe mit freundlicher Genehmigung des Autors. Charles Ridoré ist Haitianer und ehem. Sekretär Fastenopfer Romandie.